Bonjour Tristesse – Françoise Sagan (1954)

« Adieu tristesse, Bonjour tristesse, Tu es inscrite dans les lignes du plafond, Tu es inscrite dans les yeux que j’aime » Paul Eluard (La Vie immédiate, 1932). C’est de ces vers que provient le titre du premier roman de Françoise Sagan. 19 ans et elle commence déjà à narguer les grands, publiant un livre mature, audacieux et moderne. D’ailleurs, Sagan n’est pas son vrai nom, ce pseudonyme est emprunté à un autre de nos grands noms français : Proust, et de son personnage Hélie de Talleyrand Périgord, prince de Sagan tiré de A la Recherche du Temps Perdu. C’est son père qui la pousse à changer de nom, bourgeois, il tient à sa réputation et ne veut pas que son beau nom Quoirez ne soit apposé sur la couverture d’un livre prônant la liberté sexuelle et la dépravation chez les mineurs. En effet, voyez-vous, à cette grande époque, on faisait encore attention à son image et on ne prônait pas autant la débauche qu’aujourd’hui, ou du moins, moins ouvertement.

bonjour-tristesseJ’ai cependant été surpris. Compte tenu du raffut qu’à pu faire ce livre quand il est sorti et de sa réputation sulfureuse ( et de celle de l’auteur aussi), je m’attendais à quelque chose de plus cru, de plus explicite. Je m’attendais à ce qu’il y ai plus de vilaines cochonneries.

Mais non.

Et ce n’est pas plus mal.

C’est même plutôt bien.

Sagan nous décrit les premiers amours, la première passion, avec une justesse et une sorte de candeur si désabusées qu’elle en paraît mature. Elle est directe mais poétique. Le narrateur a tour à tour l’air d’une enfant un peu fragile et fortement impressionnable, ou d’une jeune femme que son père a fait grandir (trop ?) vite en la traitant presque comme une amie.

Et puis, il y a cette espèce d’atmosphère sirupeuse, cette sorte de morgue avec laquelle tout est décrit qui colle tellement bien avec l’ambiance transpirante d’un été chaud et langoureux. On s’y croirait, dans cette grande maison au bord de la mer, enfermé dans une chambre, un livre à la main et une cigarette dans l’autre. On s’y croirait, nu sur ce bateau, laissant le soleil nous frapper de plein fouet.

Françoise Sagan arrive presque à matérialiser entre nos doigts, sous la forme d’un livre, cette sensation de jeunesse qui s’enfuit, d’obligation de prendre ses responsabilités à un moment ou à un autre de notre vie. Ce moment où on se rend compte que ça ne va pas être marivaudages et rigolades pour toujours, mais où on va commencer à pouvoir se faire mal avec les sentiments et devoir travailler pour avoir un futur.

Si je devais résumer rapidement, un petit livre qui se lit très vite et qui a l’avantage d’être un classique. En bref, facile pour frimer en société sans effort. Non, plus sérieusement, un roman mature et surprenant, porteur de la frénésie des balbutiements de l’émancipation de la jeunesse. A lire !

T.

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